
Quand
on voit le gros succès d'estime remporté ici par Ozric
Tentacles,
on comprend parfois mal pourquoi Hawkwind
souffre
en comparaison d'un désintérêt total depuis si
longtemps… D'accord, les deux groupes n'ont qu'une facette en
commun, le premier étant exclusivement instrumental et souvent
moins lourd que ne peut l'être le second (les deux groupes
n'ont pas le même âge non plus et Hawkwind
a
connu bien des périodes).
Il
est clair que sur le plan des albums studios ou mêmes mixtes
live/studio (!), plusieurs albums très moyens et souvent assez
mal produits ont vu le jour dans les dernières années.
Par ailleurs, le groupe, l'un des plus piratés au monde, a
fondé son propre label pour diffuser ses propres
enregistrements live. Sachant que la scène est l'endroit où
le groupe de Dave
Brock se
sent le plus à l'aise et se plaît à improviser, à
changer les arrangements (en fonction du line-up aussi !), voire
à interpréter des titres inédits de façon
assez régulière, il est plus intéressant, pour
l'auditeur, de se concentrer ces temps-ci sur les enregistrements en
concert issus sur ce label, gage d'une qualité souvent
correcte, à défaut d'être parfaite… en
attendant avec espoir le prochain album studio prévu cette
année.
Le
trimestre dernier, grâce à mon cher collègue
Dominique,
vous avez eu une chronique épique et psychédélique
de l'excellent live "Yule ritual" enregistré fin
2001 avec la collaboration de nombreux anciens membres du groupe et
des invités spéciaux. En fait, en 2002, le groupe a
sorti plusieurs autres enregistrements dont ces deux-ci datant
respectivement de 1990 et 2001.

"Live
in Nottingham 1990" est vraiment l'un des meilleurs sinon le
meilleur album des ères récentes du groupe. A cette
époque Hawkwind
venait
de sortir un bon disque, "Space bandits", pour lequel il
avait récupéré son ancien violoniste, Simon
House,
celui qui jouait aussi des claviers sur les deux meilleurs albums du
groupe, "Hall of the mountain grill" (1974) et le désormais
rare "Warrior on the edge of time" (1975). On le retrouve
ici aux côtés de Dave
Brock (chant,
guitares, synthés), Dave
Bainbridge
(synthés),
Richard
Chadwick
(percussion)
et Alan
Davey (basse,
chant, synthés), qui venaient d'être rejoints par la
jeune chanteuse Bridget
Wishart,
une première pour le groupe. Le son de cet album enregistré
pour la série télévisée "Bedrock"
est excellent. En plus, bien que les notes du livret soient assez
succinctes, on devine que le groupe a dû enregistrer
apparemment plus d'une performance, d'où deux versions,
parfois assez différentes, de certains morceaux et le total
dépasse largement les deux heures.
Bridget
Wishart possède
une voix claire et une certaine qualité dramatique mais n'est
pas une grande chanteuse techniquement parlant… Elle se
débrouille quand même pas mal sur ce live. Elle ne
chante d'ailleurs que sur certains titres. A l'époque Hawkwind
était
définitivement en très grande forme et la présence
de Simon
House,
violoniste compétent et volubile, couplé avec Harvey
Bainbridge aux
synthés est vraiment un plus pour le son du groupe. Alan
Davey était
lui aussi un bon compositeur et un bassiste très puissant à
la Lemmy
(de
Motorhead,
qui fût dans Hawkwind
de
72 à 75). La plupart des morceaux sont très développés,
avec beaucoup de passages planants et des sections très
énergiques, aux rythmes parfois obsédants. C'est un
Hawkwind
moins
hard mais plus moderne, avec des ambiances science-fictionnesques en
diable, des synthés venus d'ailleurs, auxquels nous avions
droit à cette époque… "Space bandits",
dont on retrouve plusieurs extraits ici, rappelait d'ailleurs un peu
le fameux "Warrior at the edge of time", d'où sont
extraits deux morceaux sérieusement réarrangés,
avec des titres différents : "lives of great
men" (alias "assault & battery") et puis le
majestueux "void of golden light" (alias "the golden
void"). C'est un excellent moyen de découvrir le groupe
et un live indispensable pour ceux qui l'aiment déjà.
"Canterbury
fayre 2001", 11 ans plus tard, contient encore quelques morceaux
en commun du répertoire classique de Hawkwind
mais
dans des versions encore différentes Par exemple, le fameux
"angels of death" qu'on retrouve ici avec un solo de violon
a été réarrangé, ralenti puis accéléré
tant de fois !! Un point important : c'est Dave
Brock
qui
assure la plupart des parties vocales, avec sa voix toujours aussi
dramatique, désincarnée, noyée dans des flots de
réverbe et d'écho… On trouve sur ce double CD un
concert complet, ce qui ces dernières années fait dans
les 100 minutes. Malheureusement, le son, sans être mauvais,
est un peu déséquilibré, même si ça
s'améliore après le premier titre : ce sont
surtout les voix, les synthés, la basse et le violon qui sont
mis en avant. Ca donne un résultat sonore parfois un peu
léger, sur les titres les plus agressifs. Dommage car
l'intérêt de ce live est aussi le retour de
Huw
Lloyd-Langton à
la guitare solo (et au chant), un très bon musicien qui
démarra sur le premier album, quitta le groupe pendant 9 ans
et revint de 1979 à 1989 environ… sympa de l'avoir à
nouveau sur ce live. D'autant plus que Simon
House
est
également de retour au violon et aux synthés, de même
qu'Alan
Davey !
Un certain Keith
Kniveton aux
synthés complète ce nouveau line-up, qu'on espère
retrouver sur le prochain album studio !
La
set list est très différente du "Yule Ritual"…
avec encore une fois cependant des extraits de "Warrior" : le
titre "assault & battery" est cette fois enchaîné
" à "void of golden light" comme à
l'origine, plus "magnu" et le très rare instrumental
"spiral galaxy" complètement remanié. L'autre
album le plus représenté est l'excellent "Levitation"
de 1980, plus structuré et mélodique, mais aussi plus
lourd aussi… avec notamment ce titre éponyme de 10
minutes, occasion d'une jam surpuissante (et d'un problème
ponctuel de micro ! C'est du VRAI live ! ). En fait, on
peut faire le parallèle avec le groupe figurant sur le
splendide "Live 79", le violon en plus ! Au chapitre
des autres incontournables : une version longue et très
planante de l'orientalisant "assassins of allah", "hurry
on sundown", (la "ballade" psychédélique
du premier album), "solitary mind games" de "Choose
your masques" très rallongé et moins monotone avec
un délire de violon et de guitare au final. Et puis, il y a le
légendaire "silver machine" interprété
par Arthur
Brown !
Bref, beaucoup de raisons de se jeter sur cet album, même si on
aurait préféré un meilleur son.
Marc
Moingeon
Chronique mise en ligne le 26/03/2010 et consultée 392 fois |