Hamadryad :

Causerie au coin du (pédalier en) feu …

(Propos recueillis le le 18 août 2006 par Sébastien Blandineau et Serge Llorente )

Il est 17h sur l’esplanade du Concié, les balances d’Hamadryad ont pris du retard et le moins que l’on puisse dire c’est que l’agitation est palpable du côté des Québecois …

Une heure plus tôt, Jean-François Désilets a branché son rack de pédales sur notre bon vieux 220V européen, alors que ce dernier s’attendait à trouver du 110V … Et croyez moi, quand un pédalier d’effets se met à fumer, c’est qu’il n’est pas content !

J’exhorte Jean François à nous accorder une interview AVANT de réinsérer dans son rack ce fusible fautif, à présent enrubanné d’aluminium, qu’il brandit fièrement ! Au passage je lui promets l’ouverture prochaine dans Koid'9 d’une rubrique faits divers si son expérience tourne au vinaigre … Et c’est ainsi que nous nous retrouvons avec le groupe au grand complet pour une sympathique "causerie", comme on dit là bas …

Koid’9 : Nous sommes rudement contents de vous avoir ici en France, et à Crescendo en particulier. Mais dites nous, ce concert de souscription à Montréal destiné à payer vos billets d’avion, ça a marché ?

Jean-François Désilets (basse) : Modérément ! Et pourtant 10$ l’entrée de ce n’était pas cher mais tu sais, chez nous au Québec il n’y a pas beaucoup d’intérêt pour ce genre de musique.

Denis Jalbert (guitares) : Oui, nous savions que de toute façon nous ne pourrions pas financer l’intégralité du voyage de cette manière, mais ce concert était destiné à nous aider à monter notre projet.

K9 : Il n’y a vraiment pas de scène Prog au Québec ? Car ici en France c’est loin d’être extraordinaire !

Sébastien Cloutier (Claviers) : Au contraire nous avons trouvé le public très réceptif ! Hier soir (ndlr, festival off à St Georges de Didonne) nous avons été vraiment agréablement surpris, c’était vraiment très cool ! C'est probablement l'un des publics les plus réceptif que nous n’ayons jamais eu …

K9 : Revenons à vos compositions, et la dernière en particulier. La direction du 2^e album a changé, avec des influences évidentes du côté de Genesis alors que le premier album était plus "hard", allez vous continuer dans cette voie ?

JFD : C'est très peu probable ! L'influence Genesis n’est "qu’accidentelle", personne dans l’équipe n’étant vraiment accro à ce groupe. Nos influences sont toutes autres.

SC : Cette impression te vient sans doute du timbre de voix de Jean-François.

K9 : Les claviers sont très "Génésiens" tout de même, non ?

SC : C'est possible, mais ce n’est pas moi qui les ai composés ! (ndlr, Sébastien fait allusion au précédent claviériste, Francis, qui a quitté le groupe juste après la sortie de "Safe")

DJ : C'est précisément la raison pour laquelle le 3^e album va être très différent : l’arrivée récente de Sébastien dans le groupe nous apporte une nouvelle dimension que nous comptons exploiter. Quand on fait des soli, Sébastien est capable d'arracher le plancher ! Ce qui va sortir prochainement va être encore plus intéressant, encore plus performant ! Nous avons beaucoup travaillé nos harmonies cette fois-ci. Pour le 2^e album nous étions pris par le temps (départ annoncé de Jocelyn) et Jean-François a décidé dans l’urgence de reprendre seul les voix. Pour le 3^e, on est vraiment décidés à chanter chacun nos parties.

SC : Nous sommes à peu près tombés d’accord sur le fait que Jean-François, Denis et moi deviendrions les 3 chanteurs d'Hamadryad.

K9 : Yves, c'est principalement toi qui écris les paroles des chansons, n’est ce pas ?

Yves Jalbert (Batterie) : Oui, pour le nouvel album, mais j'ai écrit 20% des paroles sur le 1^er album et on s'échangeait beaucoup les textes avec Jocelyn. Pour le 2^e, disons qu'il a fallu que je me fasse à l'idée que ça allait être à moi de composer la plupart des textes. Mais en fait, ils viennent souvent après la musique. Je ne sais pas si les autres fonctionnent comme ça, mais c'est la musique qui m'amène un peu à l'ambiance générale de l’histoire.

K9 : Et la musique, quelqu'un donne-t-il la direction à suivre ou bien c'est l'ensemble du groupe qui décide ?

JFD : C’est un processus qui s’élabore généralement à quatre, même si Denis arrive quelque fois avec des partitions de guitare sous le bras ; enfin en tout cas c'est comme ça que ça se passe pour l'album en préparation !

DJ : Absolument ! J'amène quelques riffs très basiques et après on change éventuellement la direction générale ou le tempo. Si Sébastien nous demande de passer en 7/8 plutôt qu’en 4/4 on prend ça pour base et ensuite ça va tout seul ! Donc globalement je dirai que les arrangements sont le fruit d’un travail commun.

K9 : Où en êtes vous côté avancement de ce 3^ème opus ?

SC : Eh bien je dirais que nous avons d’ores et déjà 3 chansons en "working progress" !

JFD : … et j’aimerais préciser que cette fois-ci on ne mettra pas 4 ans à le sortir, cet album ! (Rires)

K9 : Ce qui signifie concrètement … une sortie pour quand ?

SC : Nous pensons le sortir l'an prochain ; tu sais, c’est quand même assez ardu de donner une date de nous y tenir. Avec nos familles, nos jobs, on se réunit tous les quatre au mieux une fois par semaine. Mais on va sortir un live également.

K9 : Un Live … audio ou DVD ?

JFD : Nous avons enregistré 2 spectacles en audio (à Montréal et en Pennsylvanie) et nous piocherons dans chacun d’entre eux les meilleurs titres pour les compiler sur un CD.

K9 : Vous êtes québécois et vous chantez en anglais, ce que je comprends tant il me semble que l’anglais sied mieux à la musique de que Français. Mais est-ce la seule raison de ce choix ?

JFD : Disons que ce sont surtout nos influences musicales qui ont dicté ce choix. Et puis tu sais, chanter en français c'est très dur, très peu le font.

K9 : Touchez vous de ce fait un public plus anglophone que francophone ?

JF : Absolument. Comme je te le disais tout à l’heure, à Montréal il n’y a pas d’avenir pour le prog. J’ai vu des pointures comme Arena faire seulement 50 personnes là-bas ! Alors qu’ici en Europe, ou aux Etats-Unis, c'est plus facile ! De toute façon, le langage universel passe mieux partout dans le monde.

DJ : Je rejoins complètement Jean-François. Par exemple, quand j'ai composé ma biographie, je l'ai écrite en anglais. A moins d'être allé très longtemps à l'école, on ne trouve pas forcément le bon vocabulaire pour vraiment exprimer ce que l'on veut dire. C'est Christian (ndlr : Lamarche), notre webmaster, qui fait mes traductions. Il compose aussi et corrige les paroles et nous aide pour les textes.

K9 : Nous avons trouvé que votre dernier album était plus mélodique, moins dur que "Conversation of mass". C'est une direction que vous allez garder sur le 3^e ?

DJ : Francis, l'ancien claviériste, arrivait souvent avec des riffs de guitare 12 cordes, ce qui a probablement donné un aspect plus mélodique au CD. Je pense que pour notre prochain album on va s’orienter vers quelque chose d'un peu plus dur, on va peut-être même revenir à des éléments du 1^er album tout en y incluant un tas d'harmonies vocales. Du changement en perspective, donc, mais nos fans ont l’habitude d’être déroutés !

JFD : Ouais, ça va encore être plus "d'en face", plus tintant, plus "dans les dents" ! (ndlr, "rentre-dedans" dans nos contrées !) (rires). En tout cas, c'est dans cette direction qu’on travaille en ce moment.

DJ : Nous ne faisons pas de la musique pour plaire, nous faisons la musique qui nous plaît, celle qui nous intéresse et nous inspire.

JFD : Par exemple on est tous fans de Dream Theater (désignant son T-shirt à l’éfigie du groupe New Yorkais) mais on ne veut pas essayer de jouer comme eux.

DJ : C’est vrai, on ne part jamais avec l'idée que l’on va faire une chanson inspirée de Dream Theater. Surtout pas ! Au contraire, quand une influence commence à vraiment trop s’entendre on modifie le morceau immédiatement.

SC : Si on devait jouer selon nos influences ce serait très éclectique. Par exemple, je peux écouter du jazz-fusion tout comme du rock éclectique ou Mars Volta.

K9 : Considérez vous que vous jouez du rock progressif ?

SC : Du rock tout court, on va dire. Progressif, c'est trop limitatif ! Je dirais qu'on fait du rock ambitieux, en ce sens qu'on ne vise pas le simple, ni le compliqué non plus !

K9 : Nous parlions tout alors de la difficulté que vous éprouviez à vous réunir pour composer. Certains d’entre vous vivent-ils de la musique ?

SC : Je pourrais en vivre (Sébastien est musicien de session dans de nombreux groupes de Jazz, funk …) mais je ne me suis pas encore lancé parce que je suis encore un peu jeune (ndlr : Sébastien a tout juste 21ans). Pour l’instant je suis disquaire, mais je commence à me faire un nom dans le milieu.

JFD : Moi je suis monteur de lignes dans les telecoms, denis travaille chez un gros distributeur de quincaillerie et Yves est développeur informatique ; ça va désillusionner les gens, pas vrai ?

K9 : Non, c’est le cas de 99% des groupes de prog (pardon !)

JF : Nous on paye pour venir jouer ici. Ca nous fait plaisir !

DJ : Ca ne nous coûte que notre billet d'avion, ce sont comme des vacances en quelque sorte !

K9 : En tout cas ça nous fais rudement plaisir que vous soyez là !

SC : Pour Jean-François et pour moi-même c’était un véritable événement que de pouvoir venir ici en Europe ; alors quand en plus on a la chance de pouvoir y jouer notre musique, c’est le rêve !

K9 : C'est toi qui fait le mixage JF il me semble ? Autrement dit les choix finaux, comme celui consistant à mettre en avant tel ou tel autre instrument, vous les faites ensemble ou bien tu es le seul aux manettes ?

JFD : Ils me font confiance car j'ai une bonne idée de comment l’album doit sonner.

DJ : Absolument, Jean-François sait exactement ce que nous voulons et il s’occupe de cette partie de la production.

K9 : Et tu ne sollicites jamais un regard, un avis extérieur pour te dire "ça, c'est bien" ou "ça, c'est moins réussi" ?

JFD : Je pense que ça serait plus du côté technique que j'aurais besoin d'aide. Ceci étant ce n’est pas une mauvaise idée, mais reste que l’on n’a pas les moyens de se payer quelqu'un d'autre ! (rires).

K9 : Tu pourrais peut être solliciter des contributions bénévoles, comme ton épouse ou qui sais-je ?

JFD : Ah Noooon, pas ma femme !!!!! (Rires).

K9 : En deux mots, vos premières impressions suite au festival Off de St-Georges de Didonne hier soir ? (ndlr : au moment de l’interview, Hamadryad ne s’était pas encore produit sur la scène de Crescendo)

JFD : Un truc m’a vraiment marqué. Il y avait une vieille dame de 80 ans qui est restée tout du long à nous regarder ; c'est quelque chose de merveilleux pour nous, qui ne serait jamais arrivé au Québec.

K9 : Avez-vous vendu beaucoup de disques hier soir ?

DJ : Je n'ai pas compté, mais une bonne vingtaine je pense.

SC : Sur nos 400 fans, on en a au moins 20 de plus, YEAH !!!

Koid’9 : Un petit mot à nos lecteurs avant que nous ne nous quittions ?

Hamadryad, collégialement : Merci à tous nos fans français et à très bientôt !!!

Epilogue : le lendemain Denis Jalbert, définitivement ravi tout comme le reste du groupe du concert donné la veille, m’avouait qu’à l’issue de leur prestation Hamadryad avait vendu suffisamment d’albums pour quasiment finir de payer les billets d’avion. "Des vacances gratuites" en somme, de l’aveu même de Denis !

Voir aussi le compte-rendu du Festival Crescendo 2006