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Paru le 28/04/2015

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Pain Of Salvation - Entretien avec Daniel Gildenlöw et Johan Hallberg - janvier 2007 (paru dans le Koid9 n°61)

PAIN OF SALVATION

Entretien avec Daniel Gildenlöw et Johan Hallberg

Propos recueillis par Marc Moingeon – 11 janvier 2007


Quel bavard et quel personnage sympathique que ce Daniel Gildenlöw. Je ne suis certainement pas le premier ni le dernier à le dire. On sent le passionné derrière ces petites lunettes violettes qu'il porte même dans la pénombre des salons du General Hôtel, près de la République à Paris. A peine a-t-on pu lancer trois ou quatre questions, dont certaines portent évidemment sur les thèmes abordés dans "Scarsick", le nouvel album de Pain Of Salvation, suite du concept démarré dans leur fameux album "The perfect element part I", que les 20 minutes allouées pour notre entretien sont déjà écoulées. Je rencontrerai ensuite le guitariste Johan Hallgren, autre personnage charmant dont l'éclectisme est à l'image de celle de Gildenlöw, l'occasion de parler un peu plus technique, composition musicale et de voir le groupe sous un autre jour - tout aussi intéressant.


On teste, Daniel entonne "space oddity" de Bowie en face du micro… Super, c'est un scoop !

J'aimerais revenir un petit instant sur votre précédent album "Be" sur lequel j'ai entendu des avis assez partagés venant d'amateurs du groupe. Comment le percevez-vous avec le recul et a-t-il bien marché ?

Daniel Gildenlöw (DG) : Ce fût un processus très long d'enregistrer cet album, et de le jouer en live, d'une seule pièce. C'est sûrement la seule fois où l'on jouera un de nos albums de cette façon. En même temps, je peux dire que je suis assez heureux que ce soit fini car c'était très prenant et fatiguant de vivre avec cet album pendant aussi longtemps. Ceci dit, je l'aime beaucoup et j'espère qu'il perdurera, autant qu'un album du groupe puisse être reconnu.

C'est amusant, vous n'êtes pas la première personne qui me pose cette question. Incroyable le nombre de gens dans différents pays qui, lorsqu'ils m'interrogeaient pour "Be", m'ont dit aimer l'album mais penser aussi que d'autres ne l'aimeraient pas ! En fait, c'est l'album de POS qui a le mieux marché jusqu'à maintenant ! Il s'est donc mieux vendu que "The perfect element - part I" par exemple, et j'ai reçu des avis bien plus favorables à son égard. Je pense que certains fans voudraient que l'on refasse cet album de nouveau. Enfin, vous savez, de vieux fans des débuts continuent à dire que "Entropia" est notre meilleur album. En plus, cela dépend des pays, je n'ai qu'une vision limitée de la façon dont un de nos albums est reçu, les ventes étant un des indicateurs.


Et maintenant, "Scarsick"… Sur le CD, les titres sont séparés en deux "faces". Pourquoi indiquer ainsi "Face A" et "Face B" sur ce CD, même si effectivement, les 5 derniers morceaux semblent assez différents des 5 premiers ?

DG : Oh, on voulait que les gens retournent le CD dans leur lecteur et s'aperçoivent de leur erreur ! (rires). Non, plus sérieusement, cela vient du concept. Souvent, j'ai fait 3 parties dans nos albums précédents. Cette fois, il n'y en a que deux. Deux chapitres, deux "faces". On démarre avec les morceaux les plus agressifs, et puis on évolue lentement vers cet étrange paysage musical dans "disco queen". Dans ce chapitre, notre personnage principal est en quelque sorte en train d'évaluer la société actuelle à travers ce qu'il en voit à la télévision, par exemple. Et l'identité de ce personnage n'est pas évidente, cela pourrait être simplement l'auditeur.

Ensuite, à partir de "kingdom of loss", qui démarre la "face B", ce n'est qu'une sorte de lent crescendo jusqu'à la fin de l'avant dernier morceau, le point culminant très brutal de "flame to the moth". Le personnage devient plus visible pendant ce temps là. Et enfin, on se retrouve, avec "enter rain" dans une atmosphère triste, plus calme et sereine. Nous nous jetons avec le personnage depuis le haut d'une falaise… En fait, le sommet d'un immeuble.

Non, ce n'est pas un album concept qui raconte seulement une histoire de façon linéaire. Mais de toute façon, on ne veut pas que les gens achètent "Scarsick" parce c'est la suite de "The perfect element part I", ce qu'il comprendront lorsqu'il ouvriront le livret et verront la première page (nous avons repris là où le personnage gisait sur le sol, à la fin de la première partie, après avoir atteint une sorte de point de non-retour mental, là où son passé le rattrape). Nous voulons qu'ils achètent l'album parce que c'est un très bon album. Dans "Scarsick", le personnage atteint un point de non-retour sur le plan physique. L'idée est que tellement de gens semblent blasés et vides dans la société actuelle, au point qu'ils ressentent le besoin de stimulation physiques extrêmes, la drogue, la violence, l'abus de sexe, l'abus de tout. N'importe quoi pourvu qu'ils se sentent en vie. Cette symptomatologie de la société que nous faisons est le reflet de celle des êtres pris individuellement.


Les textes de vos albums sont très importants. Mais à quel point les paroles influencent-elles la musique que vous écrivez ?

DG : Cela diffère un peu d'une chanson à l'autre mais, habituellement, les textes et la musique se développent un peu en même temps. J'entends souvent la musique que je veux créer dans ma tête, et c'est un peu comme si je la classais dans des dossiers… (rires). J'avais déjà le dossier "The perfect element part II" dans ma tête, déjà du point de vue du sujet des textes, même si je n'avais pas le contenu précisément. Parfois, il y a une phrase clé qui m'aide à concevoir un thème musical. Parfois, la musique que j'entends influence le texte… Les deux s'échangent constamment, un peu comme dans une partie de ping pong.


Vous démarrez l'album avec les deux titres très agressifs, sur lesquels figurent des vocaux en rap. D'où cela vient-il ?

DG : Non, je n'écoute pas de rap, pas vraiment. En ce qui concerne "spitfall", c'était assez évident, parce que je voulais critiquer les artistes de rap célèbres qui puent le fric et la crasse, dont le mode de vie est une mascarade quand on pense aux raisons sociales qui ont conduit à l'émergence du genre rap. C'était un mouvement de protestation contre certaines inégalités assez compréhensible au début. Mais maintenant, ceux qui ont du succès se comportent exactement comme ceux que l'on critiquait. Et j'adore employer la forme, sur le plan musical ou celui du langage, du milieu que je critique. On a utilisé le rap pour le critiquer.


Et c'est la même raison derrière "america" qui empreinte à "West side story" ?

Oui, et aussi un peu à "kids in america" que chantait Kim Wilde. Là aussi, il s'agissait d'utiliser un contexte musical pour critiquer un certain aspect des Etats- Unis.


Une dernière question, à propos des vocaux que vous utilisez dans le groupe. Il y a une gamme incroyable de timbres vocaux dans Pain Of Salvation. Vous chantez souvent de façon plus ou moins torturée, caricaturale, voire avec une certaine rage, un peu comme peut le faire Devin Townsend mais plus souvent. C'est une façon d'exprimer vos tourments intérieurs, qui se traduisent aussi dans vos textes, de se libérer ?

DG : Oui, tout à fait. Par contre, Devin Townsend n'est pas quelqu'un que j'écoute particulièrement, bien que je le connaisse. En fait, le but est de créer des atmosphères, et donc d'utiliser parfois des vocaux un peu extrêmes mais uniquement lorsque le besoin s'en fait sentir. Si on est agressif à 100%, cela devient la norme et cela n'a plus le même sens. Pour moi, la vie est pleine de contrastes, la musique et le chant doivent le traduire. Il faut avoir les tripes de produire des vocaux horribles parfois, mais aussi beaux à d'autres moments, autrement c'est une sorte de lâcheté.


Johan Hallgren, guitariste depuis le début est un homme tout aussi calme que Daniel, intéressé par le côté technique de la musique, tout aussi éclectique que lui et dont l'apport à Pain Of Salvation est sans aucun doute essentiel.


Je vais vous poser la même question qu'à Daniel, à propos de "Be". C'est un album assez différent et moins heavy que la plupart des autres albums de PoS. Et pas tellement basé sur la guitare, finalement. Qu'en pensez-vous, vous qui êtes le guitariste principal du groupe ?

Johan Hallgren (JH) : Je l'aime énormément, c'est un album que je prends plaisir à écouter, je l'aime de plus en plus, comme un simple auditeur, j'en suis fan. Il y a beaucoup de musiciens différents sur cet album et notamment ceux de l'orchestre. Je sais que certains fans l'ont critiqué. Mais vous savez, il n'y a qu'une seule chanson où je ne joue pas du tout, qui est juste basée sur le piano. Il y a beaucoup de guitare acoustique, et cela m'a beaucoup occupé en fait. Jouer ce disque en live avec un orchestre a été extrêmement gratifiant, même si c'était difficile, techniquement parlant. J'avais à lire la musique sur partition, tout était écrit, mais après avoir lu la musique, je l'ai apprise par cœur. Je ne voulais pas la jouer en la lisant. Je pense que c'est un disque qui nous a soudés en tant que groupe, nous avons beaucoup appris. Et les musiciens classiques avaient beaucoup d'énergie. J'ai fait beaucoup de choses depuis 20 ans, y compris des comédies musicales, de la musique classique mais là, c'est mon meilleur souvenir. Je comprends que les métalleux soient effrayés parce qu'il est plus calme que nos autres albums.. Il semble hélas que certaines personnes suivent une sorte de modèle dont ils ont peur de sortir.


Par contre, le nouveau est bien plus direct et commence très violemment.

JH : Oui, il est bien plus agressif, mais je crois que c'est une force du groupe de ne jamais se répéter. Certains fans du groupe vont devoir attendre deux ou trois albums pour retrouver le Pain Of Salvation qu'il préfèrent, mais je crois que beaucoup de nos auditeurs ont cette patience et sont aussi assez curieux pour s'intéresser aux autres albums, même s'il ne sont pas dans leur style favori. C'est pareil avec un de vos acteurs favoris, il ne tourne pas uniquement dans des films qui vous plaisent. Si on refaisait tout le temps "The perfect element part I", par exemple, je pense qu'on se lasserait vite.


On sait que Daniel écrit la plupart de la musique et des textes. Comment se passe la collaboration avec lui ?

JH : Cet album est vraiment un album de groupe. On a jammé ensemble même si Daniel avait une idée assez précise de ce qu'il voulait obtenir. Nous essayons de rester le plus proche possible de ses idées de départ. On me demande souvent si Daniel décide de tout, si c'est un dictateur, en fait. Alors je réponds à ces gens : "Vous me prenez pour un esclave ?". Au contraire, je suis quelqu'un d'assez libre. Je n'enregistrerais rien que je ne trouve pas bon, je le dirais à Daniel si je n'aimais pas certains morceaux. Mais c'est un musicien et un parolier tellement doué que ce n'est pas très dur d'apprécier son travail et de collaborer avec lui. Nous avons grandi durant la même époque, et même joué dans les mêmes groupes. Nous avons pas mal de goûts, d'idées et de principes en commun. Il vient avec des motifs musicaux qu'il a en tête et qu'il nous joue à la guitare, ou même un rythme de batterie. On développe les arrangements avec lui. En fait, le processus créatif est vraiment un travail de groupe.


Comment pensez-vous que l'auditeur moyen va réagir en écoutant certains titres de "Scarsick" qui empruntent à des genres musicaux inhabituels comme "disco queen", même si, comme Daniel le dit, ce sont des sortes de parodies de ce qu'il veut critiquer ?

JH : En fait, beaucoup de gens nous posent des questions à propos de "disco queen" et "america". Nous avons déjà fait environ 60 interviews et souvent les gens disent que "disco queen" est leur morceau favori ! La maison de disques nous avait même dit que nous ne devrions peut-être pas faire ce morceau. Après tout, c'est un genre musical qui est plutôt sexy, et qui met de bonne humeur. Maintenant, tout le morceau n'est pas disco ! Et comme vous l'avez compris, le texte est au contraire très sérieux. Nous avons joué sur le contraste. On va le jouer en concert et avec un peu de chance, on arrivera à faire danser des fans de progressif (rires) !


Cette fois-ci, peut-être n'allez vous pas faire comme avec "Be", jouer tout l'album d'une traite ?

JH : Non, nous ne jouerons pas tout l'album, ce ne serait pas juste pour les vieux fans d'ailleurs. Nous en jouerons 6 extraits, soit environ 60%. On ne jouera pas "idiocracy", "enter rain, ni "spitfall", je pense. Pas lors de cette première série de concerts, en tout cas, peut-être dans un deuxième temps.


Vous avez déjà joué des concerts acoustiques, notamment toute cette adaptation de vieux morceaux qui a donné l'album "12:5". Pensez-vous refaire des musiques plus acoustiques ? Y a-t-il des genres musicaux que vous ne voulez absolument pas approcher dans le groupe ?

JH : En fait, pour cet enregistrement live, on nous avait demandé à la radio de jouer acoustique. Nous avons saisi l'occasion pour en faire tout un album. Mais oui, il est probable que nous referons des morceaux acoustiques. L'autre partie de votre question, je ne peux pas vraiment y répondre… Qui sait ? Nous avons créé tellement d'hybrides musicaux. On fera peut-être des morceaux avec des éléments de country western si le concept s'y prête…

Voir la chronique de Scarsick

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