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Sommaire du n° 92

Paru le 28/04/2015

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INTERVIEWS : KOID9 LES A CUISINES POUR VOUS !

Nick Magnus - Entretien Nick Magnus - Mai 2010 (paru dans le Koid9 n°74)

Nick MAGNUS :  L'âge de raison

Propos recueillis par Marc Moingeon – Mai 2010 en marge de la chronique de Children Of Another God

La plupart de ceux aimant Steve Hackett reconnaissent le nom de celui qui fût son claviériste pendant plus de 10 ans, dès la tournée promotionnelle de "Please don't touch" en 1978, et puis sur les albums à partir de "Spectral mornings" jusqu'à "Till we have faces" en 1984, mais on le retrouve encore sur "Feedback 86" sorti 20 ans après son enregistrement.

Magnus avait ressorti il y a une dizaine d'années avec ses compères du groupe Autumn, leur unique mais impressionnante démo "Oceanworld", enregistrée en 1978 mais jamais sortie en tant qu'album officiel.

A part ça, Nick a déjà enregistré 3 albums solos, notamment "Inhaling green", chroniqué dans Koid'9, puis enfin l'excellent "Hexameron" en 2004, où figuraient les frères Hackett et quelques autres invités. Depuis, le musicien a collaboré récemment avec John Hackett pour deux de ses albums, eux-aussi passés en revue dans Koid'9 et même très récemment avec Peter Hicks, chanteur de Steve Hackett entre 78 et 80 pour un album pop.

Mais c'est la sortie de son nouvel album "Children of another god" il y a quelques semaines qui a motivé cet entretien, réalisé par Internet. J'ai rencontré Nick en fait quelques jours après, au cours de l'event Steve Hackett organisé par l'association Genesis France à Werentzhouse en Alsace, où l'accompagnait John Hackett durant l'un des concerts.

Que ce soit par e-mail ou en chair et en os, le musicien est d'une gentillesse et d'une modestie qui n'ont d'égal que son talent. Sa franchise est aussi intéressante et beaucoup apprendront pas mal de choses sur le business de la musique grâce à cet entretien. Même s'il ne se juge pas comme un grand claviériste, Nick nous explique en détail comment il réalise presque à lui seul le travail d'un groupe compétent au complet et cela, bien peu peuvent en faire autant ! Si "Hexameron" plaçait la barre assez haut, peut-être que ce superbe nouvel album permettra enfin à Nick Magnus de passer au niveau supérieur et d'obtenir la reconnaissance due à un compositeur de talent, lequel a gardé - d'après ses propres dires - une petite influence de ses travaux passés avec l'ex-guitariste de Genesis.

Sur le site Internet de Nick, vous pourrez voir les vidéos faites pour les morceaux du nouvel album par son ami et parolier Dick Foster, un travail réellement esthétique et professionnel !

 

nick magnus Beaucoup de gens vous connaissent à cause de votre collaboration avec Steve Hackett de la fin des années 70 à la première moitié des années 80. J'aimerais revenir brièvement sur les années 70 et cette période - si vous n'y voyez pas d'inconvénient : Vous dites que vous avez fait partie de The Enid mais on ne retrouve pas trace de vous sur les enregistrements, vous les avez quittés avant le premier disque ?

J'ai fait partie de The Enid en 1976 - je les ai rejoints juste après la sortie de "In the region of the summer stars" et les ai quittés juste avant que ne commence l'enregistrement de "Aerie faerie nonsense". Durant cette période, j'ai fait de nombreux concerts avec le groupe, et j'étais présent pour une partie de l'écriture et des répétitions pour "Aerie faerie".

Pourriez-vous nous expliquer comment vous en êtes venu à travailler avec Steve en 1978 ?

Après The Enid, j'ai rejoint le groupe progressif Autumn (superbe démo sortie finalement en 2000 et aujourd'hui bien rare – NDLR). Bien sûr, la fin des années 70 n'était pas une bonne période pour les groupes aspirant à jouer du rock progressif ! Il était très difficile de trouver des occasions de jouer des concerts, impossible de signer un contrat d'enregistrement, et le futur ne paraissait guère encourageant. Alors nous avons tous décidé de chercher d'autres débouchés musicaux. C'est une décision que nous avons prise avec beaucoup de regrets, car nous étions très heureux musicalement parlant. J'ai placé une annonce dans Melody Maker et ai auditionné pour un certain nombre de groupes – mais n'en ai trouvé aucun que j'avais vraiment envie de rejoindre. Un jour j'ai reçu un coup de téléphone de Steve. Au début, je croyais que quelqu'un était en train de me jouer un tour – mais non ! Steve recherchait des musiciens pour son groupe de tournée et avait vu mon annonce !

Pendant longtemps, Steve a été le seul crédité aux compositions sur ses albums mais après quelques années, on a vu votre nom aux côtés du sien sur quelques morceaux et pourtant, certains morceaux déjà plus anciens semblaient porter votre empreinte, lorsque l'on écoute votre nouvel album. Comment était-ce de travailler avec Steve ? Est-ce qu'il vous a laissé facilement apporter vos idées ?

Travailler avec Steve a été sans aucun doute l'un des partenariats les plus enrichissants que je n'ai jamais connu. Dès le début, il a été ouvert aux suggestions et aux contributions, et il m'a toujours encouragé en ce sens, donc j'étais complètement impliqué dans le processus créatif. Travailler pendant aussi longtemps que je l'ai fait avec quelqu'un comme Steve ne peut que vous influencer fortement, aussi il était peut-être inévitable que cela transparaisse dans ce que je fais maintenant.

En 1981, vous êtes le seul membre restant de son groupe à travailler sur l'album "Cured" ; il n'y a pas de batteur et vous vous occupez de ces fameuses boîtes à rythmes. Que s'est-il passé ?

Comme tous les artistes, nous étions toujours à la recherche de nouvelles technologies de pointe, et curieux de découvrir de nouvelles façons de faire les choses. A ce moment, les Linn Drums étaient tout récents et une fantastique innovation. Nous voulions vraiment les faire figurer sur cet album, et je crois que c'est l'un des tout premiers albums à les utiliser complètement sur toute la durée à la place d'une vraie batterie.

Votre collaboration a elle aussi cessé mais pas avant 1985. Que s'est-il passé ? Est-ce parce que Steve a formé GTR avec Steve Howe ?

En fait, nous avons travaillé ensemble jusqu'en 1989. GTR était juste un projet séparé que Steve voulait réaliser. J'aurais pu être moi aussi dans GTR – j'avais rencontré les deux Steve et Tony Smith (le manager de GTR) pour en discuter. C'était les premiers jours de l'échantillonnage lorsque le très onéreux Fairlight était considéré comme un accessoire essentiel pour un "méga-groupe". Steve Howe insistait particulièrement pour que le claviériste soit familier avec cet instrument (ce qui n'était pas mon cas) alors, pour autant que je sache, c'est la raison pour laquelle je n'ai pas eu le job ! Ma collaboration avec Steve a pris fin de manière très amicale en 1989 – une nouvelle opportunité avait surgi, que je désirais poursuivre (je vous en parle plus loin) et Steve a respecté cette décision. Nous avons continué à être de bons amis – après tout, il a joué sur mes deux derniers albums !

Si vous deviez citer trois morceaux sur les albums de Steve réalisés pendant que vous étiez avec lui et dont vous vous sentez le plus proche musicalement, quels seraient-ils ?

Ah, c'est une question très difficile car il y en a tellement. Si je dois en choisir trois spontanément, disons "jacuzzi", "camino royale" et "overnight sleeper".

Vous avez commencé à enregistrer des albums en solo assez tard. Qu'avez-vous fait entre-temps, à part produire d'autres artistes ? Avez-vous essayé d'intégrer un autre groupe ?

Tout au long des années 80, j'ai fait pas mal de travaux de session, parmi lesquels des contributions aux albums de China Crisis, Renaissance (sur "Time line"), Claire Hamill et bien d'autres. J'ai toujours voulu faire des albums solo, mais l'opportunité ne s'est pas présentée, pas avant que la technologie ne me permette de le faire dans des conditions raisonnables. Jusque là, les studios professionnels étaient le privilège des plus riches ! On ne pouvait se permettre d'enregistrer dans un tel studio sans le financement d'une maison de disques. Et pour quelqu'un comme moi, obtenir un contrat avec une maison de disques était hautement improbable. Cependant, en 1989, j'ai été approché pour enregistrer un album de "thèmes synthétiques" – pratiquement des reprises de morceaux qui étaient célèbres pour leurs arrangements à base de synthétiseurs. J'ai réalisé ce projet avec Chris Cozen – et nous étions connus sous le nom de Project D. Nous avons été énormément surpris lorsque l'album, appelé simplement "The synthesizer album" est devenu un hit ! Le succès du disque m'a convaincu que l'on pouvait réaliser un produit de qualité professionnelle dans un studio particulier, aussi ce succès a-t-il servi à m'encourager à écrire mon premier album solo, "Straight on 'til morning". Pendant ce temps-là, gagner ma vie était une priorité ! Alors Project D a continué à faire une série de "synthesizer albums" jusqu'en 1994. En 1995, j'ai été approché par une compagnie de production qui travaillait pour Polygram afin de sortir un album similaire, mais cette fois à base de flûte de pan ! Le premier de ces albums, "pan pipe moods", a été un autre hit inattendu. Et j'ai continué à réaliser de tels albums à thèmes pour cette compagnie jusqu'en 2002. En parallèle, d'autres projets sont arrivés (trop nombreux pour tous les citer) comme le disque de John Hackett, la réalisation du thème de l'émission équivalente à "Qui veut gagner des millions" en Angleterre, la musique d'un film indépendant ("The Release") et même fournir des arrangements pour la comédie musicale du West End "All you need is love".

 

Aujourd'hui je suppose évidemment que vous ne gagnez pas du tout votre vie avec vos disques solos. Quelle est votre occupation principale ?

Vous avez raison, mes albums solos ne me permettent absolument pas de survivre, loin s'en faut ! La musique est ma seule occupation alors je dois trouver des boulots liés à la musique pour payer les factures – et cela semble de plus en plus difficile. Je fais des arrangements et de la production pour d'autres artistes, du mastering et même un peu de journalisme musical. J'ai fait de temps en temps de la musique pour la télévision, les médias, quelques petits films, mais j'aimerais en faire beaucoup plus. Vivre de la musique n'est pas une expérience facile – les budgets sont devenus bien faibles à côté de ce qu'ils étaient auparavant. Et comme la technologie a permis de travailler de manière indépendante, il en a résulté une dévalorisation du travail, souvent au point où l'on te demande de travailler quasiment pour rien !

Pouvez-vous nous parlez des différents chanteurs figurant sur cet album, je parle de ceux dont les noms ne sont pas forcément connus, comme Andy Neve (qui est claviériste et travaille surtout comme compositeur !) ?

Andy et moi nous sommes donnés des coups de main sur nos projets respectifs depuis des années (son oncle est Rupert Neve, fameux pour être l'inventeur des consoles de mixage !). J'avais fait moi-même les guides vocaux pour "the colony is king" mais ils étaient pitoyables ! J'ai été vraiment soulagé lorsqu'Andy a proposé de les refaire proprement et le résultat était tellement bon qu'il a eu le job !
Linda John-PierreJ'ai rencontré Linda John-Pierre lorsque j'ai fait ces arrangements pour la comédie musicale "All you need is love". Linda faisait partie des principaux chanteurs et elle m'a tellement impressionné que j'ai voulu travailler avec elle. Tony Patterson chante avec ReGenesis et en dépit des comparaisons avec Peter Gabriel que les gens continuent de faire, Tony possède une voix unique et fantastique bien à lui, qui sied à merveille aux morceaux de "Children of another god". Quant à Pete Hicks, vous le connaissez déjà !

Vous avez travaillé récemment avec Peter Hicks, un peu avant cet album. Est-ce qu'il avait complètement quitté l'industrie musicale après sa collaboration avec Steve ?

Après son passage dans le groupe de Steve, Pete a brièvement chanté dans un groupe progressif appelé Tall Story. Après ça, il a effectivement quitté le monde de la musique, bien qu'il ait continué à écrire des chansons. J'ai également perdu le contact avec lui, jusqu'à il y a environ 5 ans. Lorsque nous avons repris contact, nous avons parlé de faire un album ensemble, sur lequel nous avons commencé à travailler il y a environ 3 ans, et qui a donné finalement "Flat pack" en 2009 (un album de chansons pop/rock plus directes - NDR).

Sur ce nouveau disque, il n'y a pas de section rythmique une fois de plus. Pourquoi cela ? Est-ce si difficile ou trop cher (peut être les deux ?) de trouver un bon bassiste et un bon batteur ?

Parlons de la batterie dans un premier temps. C'est un choix délibéré, pour plusieurs raisons. Déjà, cela me plaît vraiment de jouer des "virtual drums". Les parties de batterie sur cet album ne sont pas des motifs préenregistrés, ce sont mes propres performances, mais jouées sur des instruments virtuels, au lieu d'utiliser des baguettes et des peaux. Enregistrer une vraie batterie avec un son convenable revient cher – on a besoin d'un très bon studio, d'un ingénieur du son expérimenté et de beaucoup de micros ! Par ailleurs je ne suis pas compétent en tant que batteur car je n'utilise que l'instrument virtuel, donc j'aurais effectivement besoin d'un très bon instrumentiste. Par ailleurs, je dois travailler avec un budget très limité, donc un vrai batteur n'est tout simplement pas une option pour moi. Il y a aussi d'autres avantages à travailler avec un logiciel de batterie. – par exemple, je peux complètement changer chaque aspect du kit de batterie, le son de chaque tom en plein milieu du morceau si je le désire. Et pourquoi pas ? Personne n'attend de la guitare ou des claviers qu'ils sonnent de la même manière tout au long d'un titre, alors il n'y a pas de raison pour que les percussions soient limitées elles non plus. Je trouve qu'une batterie bien programmée est tout aussi valable d'un point de vue musical que la solution "baguettes et peau". La musique progressive devrait, par définition, favoriser l'expérimentation et les moyens différents de faire les choses. Il y a tout un tas de nouvelles technologies vraiment merveilleuses pour jouer de la batterie et des percussions et je trouve cela très rétrograde lorsqu'on me dit que "tu ne peux pas" ou "tu ne devrais pas utiliser ça" !Tony Patterson

En ce qui concerne la basse, je ne suis pas cantonné dans l'idée que seule une guitare basse électrique est acceptable pour jouer du rock.

L'Histoire nous prouve qu'il y a plein d'instruments différents qui peuvent jouer le rôle de la basse et la guitare basse est seulement l'un d'entre eux ! Oui, il y a des sons de guitare basse sur cet album mais aussi des basses synthétiques, du pédalier de basse, de la contrebasse, des vibrations de basse, de la basse jouée à l'orgue… Concrètement, il existe une multitude de couleurs de basses et les claviers aujourd'hui sont particulièrement bien équipés pour en fournir une grande partie.

Mais en effet, les parties de batterie sont vraiment très réalistes sur votre nouvel album, avec des structures compliquées et des sons vraiment très organiques. Comment avez-vous fait pour arriver à ce résultat, bien meilleur que ce que l'on pouvait entendre généralement il y a encore quelques années ? Est-ce que cela a été très long et difficile ?

Merci du compliment ! Il y a tout un tas de facteurs combinés qui entrent en ligne de compte. De toute évidence, avoir de bons outils à sa disposition est vraiment d'une grande aide, et les instruments actuels présentent une énorme amélioration comparé à ce qui était disponible auparavant. Ceci dit, comme avec n'importe quel instrument, il s'agit aussi de développer votre talent. Je peux jouer de la vraie batterie (même si mon jeu n'est pas de bonne qualité !) et j'ai toujours été fasciné par les batteurs. Il y a quelques batteurs dont j'admire le style, et j'ai essayé d'apprendre en les écoutant - en analysant leur manière de jouer et en prenant mentalement des notes. Mes favoris sont entre autres Simon Phillips, Ian Mosley et Nick D'Virgilio, par exemple. Je me demande toujours "qu'est que Simon/Ian/Nick jouerait à cet endroit ?" et puis j'essaie de jouer quelque chose dans ce style. Certaines fois, cela vient facilement et parfois je dois y travailler très dur, faire beaucoup d'ajustements très fins et cela prend un certain temps.

Vous vous êtes crédité pour le "pugilat informatique" sur votre livret ! Je suppose qu'on doit être assez bon technicien pour arriver à travailler de manière indépendante comme vous le faites, maitriser l'utilisation de l'ordinateur et d'un bon nombre de logiciels. Alors, est-ce un fléau ou n'est-ce pas aussi difficile qu'on pourrait le croire ?

Oui, pour ceux qui se poseraient la question "computational pugilism" signifie "bataille et lutte avec l'ordinateur" ! Presque tout le monde maintenant utilise un ordinateur pour faire de la musique et bien que beaucoup de gens – habituellement des non-musiciens – pensent que les ordinateurs vous rendent la vie plus facile et vous permettent de "tricher" ("Vous n'avez qu'à appuyer sur un bouton, n'est-ce-pas ?"), ce n'est définitivement pas vrai ! Cela requiert une série de nouveaux talents et peut créer tout un tas de défis et de soucis. Pour en sortir le meilleur, vous devez être capable de penser logiquement. J'ai eu la chance de grandir avec le développement de la technologie musicale moderne, aussi mon expérience a-t-elle été acquise sur une très longue période. J'imagine que quelqu'un qui démarrerait de zéro maintenant aurait un sacré tournant à franchir ! Pour répondre à votre question : non, je ne trouve pas qu'utiliser un ordinateur et ces logiciels soit une plaie. Oui, cela prend parfois beaucoup de temps et cela peut être très frustrant (et même effrayant !) lorsque les choses tournent mal. Mais je trouve cette expérience assez utile pour acquérir plus de liberté – tellement de choses sont possibles qui ne le seraient pas sans un ordinateur !

 
Comment avez-vous choisi qui chanterait quel morceau ? Je trouve par exemple que votre voix n'est pas si éloignée de celle de Tony Patterson, et de même pour celle de Andy Neve.

Lorsque j'écris une chanson, cela aide d'avoir une voix particulière en tête. Les morceaux sur "Children" sont basés sur des personnages, aussi le choix de chaque chanteur a-t-il dépendu de cela. Par exemple, Tony fait la voix des frères clonés, Pete fait la voix du docteur Prometheus et Linda celle de la mère des clones. Andy fait la voix de "l'Uniformité". Normalement, Tony aurait dû faire la voix d'un des clones sur "identity theft" mais comme je vous l'expliquerai après, j'ai décidé de m'y mettre !

Vous chantez pour la première fois sur ce disque, et je trouve que vous vous en sortez plutôt pas mal. J'ai deviné d'après ce que vous écriviez sur votre site web que vous n'aviez pas du tout confiance en vous à ce niveau. Pourquoi avoir choisi ce morceau en particulier ?

Merci. Ah, non, je n'avais pas du tout confiance en moi au départ… J'ai déjà fait des chœurs (c'est peu risqué parce qu'on peut se cacher derrière tout le reste) mais je n'avais jamais fait de chant principal auparavant. Tony Patterson et John Hackett ont entendu les guides vocaux que j'avais faits pour le morceau-titre, et ils m'ont encouragé à chanter un morceau moi-même. Mon registre est très limité (tant au niveau justesse que sur le plan largeur) donc je savais que je ne pourrais pas chanter un morceau comme "doctor prometheus" qui requiert une voix plus pleine, plus rock. Alors j'ai choisi "identity theft" parce que c'est un morceau doux, qui ne demande pas un large registre.

Je trouve que le morceau rappelle quelque peu "the leaving" sur l'album "Defector" de Steve, notamment à cause des vocaux, des belles harmonies. Est-ce que vous êtes d'accord ?

Je n'y avais jamais pensé, mais maintenant que vous le dites… les deux morceaux ont une atmosphère de film d'espionnage assez similaire – une espèce d'ambiance de "guerre froide" et "rencontre entre l'Est et l'Ouest".

A propos des paroles de "Children of another god" : C'est la deuxième fois que vous travaillez avec Dick Foster. Vous avez d'ailleurs fait un album de chanson pop avec sa collaboration, récemment. Pouvez-vous nous parler un peu de lui ?

A la base, Dick Foster écrit des scénarios et il est réalisateur et directeur de programmes télévisuels pour la BBC. Il est aussi un historien de l'art, et a écrit pas mal de livres et d'articles sur ce sujet, également des livres qui accompagnent les productions TV qu'il a dirigées. Avant que nous ne travaillions ensemble, Dick n'avait jamais écrit de paroles. La première chose sur laquelle nous avons collaboré a été le texte du morceau "inhaling green" sur mon album du même titre. Nous n'avions pas vraiment planifié cela, c'est arrivé par accident ! Dick est arrivé avec le concept de ce morceau, et il a écrit tout le texte qui est censé être lu par un ordinateur au milieu du morceau. Lorsque j'ai écrit la musique qui devait donner "Hexameron", cela m'a semblé logique de retravailler avec lui et de lui demander des paroles qui allaient être chantées cette fois et il s'est révélé naturellement doué pour ce job ! Grâce à son travail pour la TV, il a une bonne compréhension de ce qu'est une structure narrative et cela m'a inspiré pour travailler sur des pièces musicales à plus grande échelle, ce que je n'avais pas fait auparavant. Cela m'a permis de découvrir les joies d'écrire un album concept !

Pouvez-vous nous parlez de ce concept-ci, des paroles de chaque morceau ? Pas si facile de deviner l'histoire dans son ensemble même si cela ressemble à une aventure de science-fiction où un médecin surdoué crée des êtres exceptionnels, qu'il désire contrôler.

Le concept global est l'étude de l'uniformité, du conformisme, comparé à la diversité. Le message de base est que, tandis que l'uniformité apporte la puissance, elle entraîne aussi la stagnation et, dans le pire des cas, la corruption. Nous avons besoin de la diversité pour évoluer en tant qu'espèce. La globalisation de la société a tendance à nous rendre tous plus ou moins identiques. L'album a aussi un déroulement narratif sous-jacent, l'histoire de 10 frères jumeaux génétiquement conçus, qui s'embarquent dans une carrière criminelle, mais dont la similarité provoque finalement la chute.

Vous dites clairement que vous êtes plutôt centré sur les mélodies plutôt que sur les solos de claviers frénétiques ou les autres aspects purement techniques du clavier. Mais pourtant, vous avez joué des parties joliment compliquées du temps où vous étiez dans le groupe de Steve…

Pour être honnête, les solos de claviers frénétiques me laissent froid. Si je dois faire un solo, la chose qui importe le plus est qu'il doit avoir une mélodie, quelque chose que vous puissiez fredonner ou rejouer dans votre tête, par la suite. Alors mes parties solistes sont écrites, pas improvisées. Je n'ai jamais été bon pour jouer des parties très rapides improvisées et je ne suis pas amateur de cette technique, lorsqu'elle prend le pas sur la musicalité. Mais ça ne veut pas dire que je n'aime pas la complexité – je l'adore ! Je trouve bien plus aisé de jouer une pièce complexe qu'un morceau simple, et j'ai entendu pas mal d'autres musiciens dire la même chose. Une bonne technique est importante, évidemment, mais quel que soit votre technique, vous devez l'utiliser avec subtilité et bon goût !

Parmi les groupes progressifs plus jeunes, est-ce que vous en appréciez certains en particulier ?

Par "jeunes" je suppose que vous voulez dire "plus récents". Je dirais les gens de Spock's Beard, en particulier Neal Morse et Nick D'Virgilio – deux musiciens fantastiques aux multiples talents. (NDR - il a raison, les gens de Spock's Beard, entre autres, ne sont pas des jeunots !)

Quels styles écoutez-vous en général, quels musiciens ?

J'ai déjà mentionné Spock's Beard mais le plus souvent, j'écoute des compositeurs de musiques de films – John Williams, Jerry Goldsmith, Hans Zimmer, John Barry. Et maintenant, je suis à un âge où je peux confesser une réelle admiration pour Abba – des chansons pop parfaites, méticuleusement conçues et jouées. Après un blocage initial, j'apprécie maintenant les musiques de Stephen Sondheim – il a écrit des musiques de films qui flirtent avec le rock progressif de par leur complexité ! Ecoutez "In the woods", "Pacific overtures" ou "Sweeney Todd".

Vous semblez avoir le secret pour imiter des sons de guitare électrique et même acoustique de façon très convaincante sur ce disque, ce qu'aucun claviériste n'arrive à faire, habituellement. Difficile de croire qu'il n'y a pas Steve Hackett jouant un solo de guitare électrique à la fin de "doctor Prometheus", par exemple ! Comment faites-vous ça ?!

nick magnus Les shows télé scientifiques bas-de-gamme répondraient simplement en trois mots : "à l'ordinateur" ! Blague à part, il y a des instruments virtuels provenant de 4 logiciels différents sur le disque. Tous les solos et une partie des guitares rythmiques ont été faits avec Musiclab RealStrat. Une autre partie des rythmiques provient de AAS Strumelectric GS-1, toutes les parties acoustiques sont faites avec Musiclab RealGuitar et le reste vient de Musiclab RealLPC (Les Paul).

J'ai fait des simulations d'effets d'amplificateurs avec un logiciel de Native Instruments (Guitar Rig 4) et Studio Devil VGA. Et le clavier sur lequel je joue tout ça est un Roland MIDI controller. Tout ceci est venu en réponse à cette quête éternelle pour trouver des solutions intéressantes à de nouveaux défis. Au départ, j'étais juste curieux de voir jusqu'à quel niveau de réalisme je pourrais arriver dans la recréation de guitares – et puis le défi est devenu irrésistible ! Je pense qu'on peut rejeter le blâme sur Jan Hammer – qui dans les années 80 s'était souvent piqué d'imiter des guitares à l'aide d'un Moog et ceci est juste l'équivalent au 21ème siècle, par votre serviteur !

J'ai vu que votre album "Hexameron" était en rupture depuis peu, et que vous le proposiez désormais en fichiers MP, comme vos deux autres albums plus anciens. Vous n'avez pas l'intention de le ressortir ? Combien de copies en avez-vous vendues, au fait ? Peut-être ne croyez vous plus aux albums dans un format physique ?

Après avoir comparé les chiffres de vente avec d'autres musiciens de rock progressif qui sont à peu près dans la même position que moi, nous avons découvert que nous avions un plafond similaire pour les ventes : autour de 2000 copies. Ceci suggère que pour remonter le chiffre des ventes, ou bien une communication plus large auprès du public est nécessaire – ou alors un "facteur de célébrité" bien plus grand ! "Hexameron" s'est vendu à plus de 1800 copies, alors je suppose que ce n'est pas trop mal, tout bien considéré. Cependant, après 6 années, les ventes s'étaient réduites à un montant très faible au moment où il s'est retrouvé en fin de stock. J'ai pensé à le ressortir mais les facteurs économiques ne semblaient être favorables. Le minimum pour un pressage est de 500 alors je devrais investir plusieurs centaines de livres pour satisfaire un potentiel de commandes probablement très faible. Evidemment, je regrette de ne pouvoir en vendre davantage, c'est la raison pour laquelle j'ai décidé de le proposer en téléchargement – le meilleur compromis pour l'instant. Peut-être que dans l'avenir il y aura un marché pour la sortie d'un coffret regroupant mon matériel ancien, auquel cas "Hexameron" connaîtra une seconde vie en CD !

Je crois tout à fait aux CD physiques - je ne veux acheter que ça, pour ma part. Je veux quelque chose qui dure, possède la plus belle qualité possible, un beau packaging et un livret avec les paroles et des photos. Je crois que les vrais amoureux de bonne musique ressentent la même chose.

Vous allez jouer à l'event Steve Hackett, organisé par Genesis France en Alsace très bientôt. Etes-vous heureux de pouvoir jouer en concert ? Cela ne vous arrive pas souvent, je suppose ?

Avant de refaire des concerts avec le groupe de John Hackett en 2006, je n'avais pas rejoué live depuis 18 années ! Je m'étais tellement concentré sur le travail en studio durant cette période que j'étais un peu "largué". Au cours de l'année passée, John et moi avons joué quelques concerts en duo, en ouverture de The Watch et cela a été très sympa. Les gens de The Watch sont vraiment des gens agréables avec qui travailler. D'ailleurs, ils seront aussi au week-end Steve Hackett, mais cette fois, nous jouons avant le groupe électrique de Steve, aussi je suis impatient d'y être.

Même si tout le monde dit que les ventes de disques sont mortes, "Children of another god" a bien marché depuis 2 mois qu'il est disponible – mieux qu'"Hexameron" sur la même durée. Le succès est relatif, bien sûr, mais tant qu'il y aura un public pour ce genre de musique et que je serai capable de le faire, je continuerai ! Dick Foster et moi pensons déjà à un nouveau concept pour le prochain album (oui, ce sera progressif !) et j'espère m'y mettre dès que les batteries seront rechargées.

A part ça, j'ai commencé les arrangements et la production pour un nouvel album de Shirlie Roden, qui fut un temps chanteuse avec le Gordon Giltrap Band. (Elle chante un peu sur "Fear of the dark" et Nick a déjà travaillé sur un autre de ses disques. – NDR)

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