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Sommaire du n° 92

Paru le 28/04/2015

LE COIN DES ANNONCES :

INTERVIEWS : KOID9 LES A CUISINES POUR VOUS !

Shadow Gallery - Entretien Gary Wehrkamp - Octobre 2009 (paru dans le Koid9 n°72)

Adieu aux fantômes du passé
Un entretien avec Gary Wehrkamp
de Shadow Gallery

Propos recueillis par Marc Moingeon– Octobre 2009


Après le décès subit et inattendu de leur chanteur Mike Baker en octobre 2008, juste au moment où le groupe commençait à répéter pour son sixième album, les musiciens restants de Shadow Gallery, disons surtout Gary Wehrkamp, Carl Cadden-James et Brendt Allman se sont retrouvés devant la possibilité de mettre fin à l'aventure. Ils ont néanmoins vite décidé de terminer ce sixième album, a priori sans recruter de chanteur mais en assurant les vocaux eux-mêmes, puisqu'ils faisaient déjà tellement de chœurs sur les albums précédents. Pourtant un peu à la dernière minute, entre en scène le guitariste Brian Ashland, qu'ils ont plutôt recruté comme chanteur et il chante sur la majorité de l'album, même si on a aussi les performances de deux invités : Clay Barton chanteur du groupe de metal progressif américain Suspyre et l'ex-Gamma Ray Ralf Scheepers depuis longtemps passé chez Primal Fear (DC Cooper annoncé en 2008 ne chante en fait que sur le morceau bonus de l'édition japonaise "Stingray").
Nouveau chanteur, nouveau départ, pour le groupe, nouveau logo, et une certaine évolution musicale, du moins sur l'ensemble… Shadow Gallery reste aisément reconnaissable tout en étant sensiblement différent, pas seulement à cause du chant.
J'ai pu parler longuement à Gary Wehrkamp de leur nouvel opus à l'accouchement difficile. Toujours aussi passionné et enclin à donner des détails sur la genèse de la musique du groupe, Gary éclaire la musique de ce "Digital ghosts" de ses anecdotes musicales et vous verrez que certaines sont particulièrement touchantes.

Merci à Roger Wessier qui a organisé cet entretien et à Gary pour sa gentillesse et sa passion.


Il semble que la majorité de cet album était déjà composé lorsque Mike Baker nous a quittés, est-ce exact ?

Oui, nous avions à peu près terminé la musique. Les textes étaient eux aussi bien avancé et nous avions encore à finaliser quelques sections. En fait, nous étions en train de travailler sur les textes tandis que Mike répétait ce qui était déjà prêt lorsque la tragédie l'a frappé.


Est-ce que vous avez songé à tout abandonner et à mettre fin au groupe ?

Je ne pense pas que nous ayons réellement pensé à terminer l'histoire de Shadow Gallery. Franchement, nous n'avons pensé à rien, sur le moment. Nous avons juste pensé à Mike et à notre chagrin d'avoir perdu un membre de notre famille. En tant que manager du groupe, j'ai simplement eu la tache d'annuler quelques sessions d'enregistrement qui étaient prévues vers cette période. En fait, le jour de son enterrement, nous étions censé enregistrer la batterie… On a ensuite pris le temps de ne pas penser à la musique.

Parlons donc des vocaux sur cet album. On compte pas moins de quatre chanteurs principaux sur cet album, en comptant la contribution de Carl sur "venom". Vous avez deux invités et un nouveau chanteur. J'ai été un peu surpris puisque initialement, tu avais annoncé que vous aviez l'intention d'assurer tous les vocaux vous-mêmes…

C'était mon plan initial, oui. Lorsque nous avons recommencé à travailler sur la musique que nous avions composée, nous ne voulions pas chercher un autre chanteur. Il y a des gens qui sont irremplaçables, tu sais… surtout quelqu'un qui était ami. Je comptais donc finir le disque en ayant l'idée que si un vocaliste convenable nous apparaissait avant la fin de l'enregistrement, on l'embaucherait mais je croyais plutôt que nous pouvions chanter la plupart des parties nous-mêmes et inviter quelques chanteurs pour interpréter celles que nous n'aurions pas assurer correctement nous-mêmes. En fait, nous avions des opinions divergentes sur ce point dans le groupe. Mais nous étions partis pour faire comme ça lorsque nous sommes tombés sur Brian.


OK. Alors, justement, comment avez-vous fait la connaissance de Brian Ashland, qui est je crois un guitariste plutôt qu'un chanteur à la base.

On n'a probablement pas considéré quels chanteurs inviter avant janvier 2009. On ne voulait pas faire d'audition. On avait une liste de personnes que nous avions l'un ou l'autre trouvés sur MySpace ou YouTube. Mais on n'avait pas pu se mettre d'accord sur l'un d'entrer eux. Et puis lors d'une conversation avec Carl, nous décrivions un type de chant que nous souhaitions et ça m'a rappelé quelqu'un que j'avais rencontré 4 ans auparavant. C'était Brian. Tu veux vraiment l'histoire complète ? (rires)


Oh, oui, ça semble intéressant… tu as toujours de bonnes anecdotes je suppose que celle-ci en fait partie.

En fait je ne l'avais jamais rencontré en chair et en os à l'époque. Mais il y a 4 ans, j'ai déménagé et j'avais planifié de bâtir mon nouveau studio dans mon jardin. C'était une époque perturbée pour moi tu sais. Au dernier moment, j'ai dû changer de directeur des travaux et quelqu'un venu de nulle part m'a contacté et m'a dit : "J'ai entendu que tu comptais bâtir ton propre studio. Je connais bien ton groupe. En fait je suis un fan de Shadow Gallery… et il se trouve que je suis entrepreneur de travaux. Est-ce que tu voudrais que je te fasse une offre ?" Alors, c'était ironique comme cette offre est arrivée à un moment crucial et j'ai finalement décidé de travailler avec cette personne. Et j'ai rencontré le gars, qui était d'ailleurs à notre soirée de lancement de "Room V" et il s'est avéré qu'il était musicien, qu'il avait un groupe. Et lorsqu'on ne travaillait pas à construire des murs ou le toit, il me parlait de son groupe, et m'a même joué quelques bouts de musique sur lesquels ils travaillaient. Il s'appelait Rich et c'est un bon musicien mais il changeait un peu souvent les membres de son groupe. Un jour, il me parle d'un nouveau type avec qui il avait commencé à travailler qu'il trouvait phénoménal. Il m'a envoyé un clip audio de ce musicien qui jouait et chantait un truc à lui. A l'époque je lui ai juste envoyé un e-mail en lui souhaitant bonne chance et en lui expliquant comment j'avais entendu parler de lui par mon entrepreneur et je l'invitais à venir visiter mon studio lorsqu'il serait fini. Je lui ai même offert à l'époque de venir chanter un peu comme invité sur un album sur lequel je travaillais à l'époque, il s'agissait de l'album d'Amaran's Plight. Il a dit "d'accord" et je lui ai dit qu'on devrait attendre quelques semaines jusqu'à ce que le studio soit terminé. Mais j'ai eu tellement de problèmes avec le studio... Les quelques semaines sont devenues plusieurs mois et au moment où je mettais la dernière touche, je me suis mis à enregistrer les vocaux avec DC Cooper et les quelques vocalistes invités qui étaient prévus. Mais il me fallait travailler très vite et il est devenu clair que je ne pourrais pas travailler avec Brian. Je lui ai alors envoyé un petit e-mail mais bon, nous avons perdu le contact. Et plus de 3 ans après, j'explique tout cela à Carl et lui dit que nous devrions peut-être essayer Brian parce qu'il avait un timbre de voix, un style particulier. Carl a semblé très intéressé et m'a demandé de le retrouver. Je lui ai envoyé un e-mail, ai essayé de lui téléphoner et j'ai même vérifié son adresse mais tout semblait avoir changé. Même le site web de son groupe n'existait plus. Plus de trace ! Alors j'ai rappelé Rich et il a essayé de retrouver sa trace, sans succès. Alors nous avons recherché sa trace sur le Net et après deux semaines, on a trouvé un gars au Texas qui portait le même nom mais ce n'était pas lui. Mais le jour où j'allais abandonner, j’ai envoyé à Carl une photo de lui à tout hasard, en lui disant que probablement c'était fichu et que nous allions devoir tout recommencer et trouver quelqu'un d'autre. Et deux minutes après Carl m'appelle au téléphone et me dit "Oh, mais je crois que je connais ce gars, je crois même que je travaille avec lui !". Il s'est avéré que Carl et Brian travaillaient dans le même immeuble, pour la même compagnie sans qu'aucun des deux ne sache que l'autre était musicien !


Excellente histoire !

Le monde est petit, n'est-ce-pas ? Ensuite, Brian nous a tout de suite dit que cela l'intéressait de travailler avec nous mais qu'il se considérait plus comme un guitariste que comme un chanteur. Il me dit que les vocaux que j'avais entendus sur cette démo que j'avais obtenu de Rich il y a des années n'étaient que des guides vocaux pour leur chanteur. Nous l'avons donc convaincu qu'il avait le potentiel pour être notre chanteur principal. Partant de là, nous avons arrangé une rencontre et tout a dû aller très vite : nous avons enregistré les vocaux tellement vite qu'il n'a pas eu le temps de trop contribuer (il joue quand même un solo de guitare sur "with honor" – NDR).


Vous avez donc utilisé aussi deux autres chanteurs invités, Clay Barton et Ralf Scheepers. Comment les avez-vous trouvés ?

Pendant que nous cherchions Brian, j'ai contacté Clay par leur manager Jill que je connais assez bien. Nous avions travaillé ensemble sur le projet The Wishmakers (un single pour une œuvre caritative, que Gary a écrit et chanté avec des tas de vocalistes invités).
Nous avions prévu seulement une petite partie pour lui mais il nous a renvoyé notre démo avec ses vocaux sur tout le morceau et nous avons tellement aimé le résultat que nous avons plus ou moins réarrangé le morceau et changé ses parties pour qu'il ait davantage de lignes à chanter. Il se trouvait dans le coin quelques jours plus tard et nous en avons profité pour l'enregistrer dans mon studio, tout a été très vite et c'est très facile de travailler avec lui.
Quant à Ralf, nous le connaissions depuis longtemps.


Je me rappelle que Carl disait beaucoup aimer Gamma Ray du temps où "Carved in stone" est sorti, il avait même été question d'une tournée aux USA avec eux, qui a avorté (à cause d'eux).

Tout à fait. Carl et Mike étaient de grands fans de Gamma Ray. Carl était très excité à l'idée de l'avoir. Tu dois aussi comprendre que ces invités, y compris DC Cooper étaient prévus avant même que Mike ne meure, ils n'ont pas été des remplaçants. On avait déjà essayé de rentrer en contact avec Ralf Scheepers pour qu'il chante sur "the archer of ben salem" sur "Room V", sans succès. D'ailleurs je n'étais pas très optimiste, j'ai écrit sur sa page MySpace officielle et il m'a répondu presque immédiatement, il connaissait le groupe. Nous n'étions pas sûr de quelle chanson nous allions lui proposer, il y en avait deux possibles. Mais parallèlement, il est encore arrivé un autre évènement, la mort d'une autre personne proche du groupe : le meilleur ami de Carl et un ami de longue date du groupe, Terry… Lui aussi est décédé prématurément, à l'âge de 43 ans. Terry était d'ailleurs un très bon ami de Mike. Et je crois d'ailleurs que la dernière fois que j'ai vu Mike était à l'enterrement de Terry. J'avais écrit une musique pour cette cérémonie et Carl voulait écrire un morceau pour lui, pour lui rendre hommage. Mais cela ne s'est fait que bien après, sur une musique dont Mike était censé écrire les paroles. Et cela parlait de leurs aventures, et de leur engouement pour Gamma Ray… Cette chanson est devenue "strong". En fait Ralf chante sur un morceau dont les paroles racontent quelle influence lui et Gamma Ray ont eu sur quelqu'un de très proche du groupe.


Je sais que Ralf Scheepers est un chanteur versatile et je ne l'ai pas suivi avec Primal Fear où il semblait tout d'abord imiter Rob Halford mais j'ai eu l'impression qu'il chantait de manière assez différente de son style habituel sur "strong". Je me demandais si vous l'aviez influencé sur la manière de chanter ce morceau ou si vous l'aviez laissé complètement faire à sa guise ?

Ah, ça c'est une bonne question ! Je dirais que la réponse est "un peu des deux". Nous ne lui avions pas donné de directives extrêmement précises. Carl lui avait envoyé un guide vocal, il avait la mélodie, mais Ralf a chanté un peu plus grave qu'à son habitude. C'est là que je lui ai fait quelques suggestions et lui ai demandé pourquoi il ne mettrait pas quelques unes de ses parties plus aigues pour lesquelles il est tellement doué. On a donc changé quelques lignes mélodiques et il a immédiatement fait ce que nous attendions de lui, c'est un grand professionnel, ce fut un plaisir de travailler avec lui.


Tu m'as dit que ce Rich qui a travaillé avec Brian Ashland était un grand fan de Shadow Gallery mais qu'en était-il de Brian ?

Non, il ne nous connaissait pas avant que Rich ne lui joue un bout de "Room V", il y a quatre ans. A l'époque, il m'avait donné un commentaire poli. Mais je n'avais pas eu l'impression qu'il avait été particulièrement impressionné et décidé à se ruer sur nos disques (rires) ! Lorsqu'il nous a rejoint, nous lui avons évidemment donnés nos précédents CD mais bien qu'il n'ait jamais rien dit de négatif à leur propos, je n'ai pas eu l'impression qu'il était particulièrement amoureux de ceux-ci.


Je crois que tu m'avais écrit à un moment que vous aviez considéré une ou deux autres options, qu'il y avait même une possibilité que quelqu'un de plus reconnu vous rejoigne. Tu peux m'en dire un peu plus à ce sujet ?

Oh, je ne peux pas en dire de trop, non. Je pense que je parlais de Ralf Scheepers, entre autres mais nous parlions de plusieurs personnes sans vraiment savoir si nous pourrions travailler avec eux ou pas. On parlait vraiment de n'importe quel chanteur dont nous pensions qu'il pourrait nous convenir – comme Geoff Tate par exemple ! C'est vrai que nous avons pensé à quelques personnes qui n'avaient plus de groupe ou dont le groupe se semblait plus guère actif, mais je ne crois pas que cela aurait été une bonne idée de les contacter. Si cela s'était fait, on aurait eu l'impression que nous louions les services de quelqu'un. Et en fait nous repoussions sans cesse l'idée de remplacer Mike.


Comme tu me l'avais annoncé, l'album est globalement plus lourd que les précédents bien qu'il y ait des sections calmes dans la plupart des morceaux. Comment cela s'est-il produit ?

Nous avons commencé à écrire très vite pour créer un successeur à l'album "Room V". Nous nous sommes remis à composer dans tous les sens. Mon but, c'était de produire un sixième album en un an ! (Rires). Comme tu le vois, j'étais très optimiste ! Brendt a aussi composé plein de trucs. Une des premières idées qu'il m'a envoyées était cette musique assez heavy qui a fini par donner le morceau "venom". En fait, c'était même encore plus heavy au début, plus grungy, sur sa démo. J'avais aussi démarré un morceau vraiment basé sur les guitares et le troisième fut, je crois, ce qui est devenu "gold dust" qui, là-aussi, était assez heavy et très rapide au début. A cette idée, j'aimais assez l'idée de ne pas composer de ballades pour le piano. Jusqu'à maintenant, nous avions toujours eu plus ou moins deux ballades basées sur le piano sur chaque album. Et puis je ne jouais pas trop de claviers à ce moment-là. Et j'ai même dit à Carl et Mike, pourquoi ne pas faire un album nettement plus heavy que "Room V" ? J'ai pensé aussi que nous devrions faire un album plus progressif mais avec moins de longues sections instrumentales et aucun morceau totalement instrumental. En fait, nous étions assez excités à l'idée de cette nouvelle direction pendant une certaine période et puis au fur et mesure que le temps a passé, d'autres idées sont venues se greffer mais je crois que nous avons atteints la plupart des buts que nous nous étions fixés à ce moment-là et l'album possède une teinte globalement plus heavy que d'habitude, en effet.


Est-ce que tu penses que c'est une coloration qui va se poursuivre, Shadow Gallery va demeurer plus agressif dans le futur ?

Non, je ne crois pas. En fait, je ne dirais pas les choses de manière aussi simple.
Une des choses qui me plaisaient vraiment lorsque j'ai rejoint le groupe, était ce fantastique mélange essentiellement basé sur le rock progressif, que l'on trouvait sur le premier album, où je ne joue pas. Et j'étais enthousiaste à cause de cela. Et pour être vraiment honnête, lorsque nous avons commencé à travailler sur les démos des premiers morceaux qui finiraient sur "Carved in stone", c'est-à-dire "cliffhanger", "crystalline dream" et "deeper than life", je n'étais plus aussi enthousiaste (rires) ! Mais tu sais, je ne pouvais pas trop m'exprimer, puisque je venais tout juste de rejoindre le groupe (rires) ! Cela m'a demandé un petit moment mais j'ai fini par trouver le courage de leur dire : "Mais pourquoi donc est-ce que vous n'écrivez pas des morceaux aussi géniaux que sur le premier album ?" !
Et enfin j'aime vraiment "Carved in stone", j'en suis très fier et bien que je n'ai pas toujours eu autant d'influence que je l'aurais voulu sur la musique (il en pourtant composé une partie non négligeable, notamment tous les interludes orchestraux !), c'est le passé. Je ne voulais pas que le groupe s'enfonce trop dans cette mouvance "metal progressif". Je trouvais qu'il y avait déjà bien assez de groupes qui s'étaient engagés dans cette direction. Mais "Carved in stone" est un album tout à fait unique, par rapport à tout ce que j'avais pu entendre à l'époque. Et depuis, je n'ai jamais cessé d'essayer de tirer le groupe vers une direction plus progressive. En fait, des morceaux comme "ghost of a chance" sur "Tyranny" et "destination unknown" sur "Legacy" sont assez dans l'esprit du premier album.
Mais je pense que le temps est venu, et je pense que Brendt est d'accord sur ma vision des choses. Je ne dirais pas que notre objectif est de devenir plus agressif mais de continuer à être progressif, de rester intéressants, et de ne pas pouvoir être classé dans un style restreint.


De toute façon, il y beaucoup de passages reconnaissables, que ce soit au niveau des mélodies et des sons sur ce nouvel album. Je dirais que le style de l'album est assez similaire par rapport à ce que vous aviez accompli auparavant – avec quelques changements. De ton point de vue quels sont les éléments les plus nouveaux sur "Digital ghosts" ?

Déjà le morceau "digital ghost", j'ai envie de parler un peu de celui-ci... il est le résultat d'une de nos plus vieilles idées, de très loin ! Je crois que j'ai commencé à écrire la musique de ce passage rapide avec le solo de guitare un peu jazzy et les parties de piano agressives vers 1996 ! Mais cela n'aurait jamais convenu sur "Tyranny". Et j'ai essayé de placer ces deux minutes de musique depuis sur nos albums. J'ai envoyé ça à Brendt et comme tu le sais il est de plus en plus branché sur le jazz depuis quelques années (il a même enregistré quelques très bonnes démos dans un style jazz rock que l'on peu écouter sur sa page MySpace - NDR). De mon côté je dois dire que je suis surtout intéressé par une certaine forme de jazz rock progressif, ou le jazz "fusion" - pas vraiment le jazz traditionnel. Et puis Brendt avait ce début de morceau qui était assez dans le style de Kansas, je trouve. Alors Brendt a intégré un élément jazz et ce début assez caractéristique aux idées que je lui avais passées. J'adore ce que Brendt en a fait et il a finalement obtenu un excellent morceau. C'est sûrement l'un de mes morceaux préférés parmi mes collaborations musicales. C'est l'un des mes morceaux favoris sur l'album et il représente une direction que j'aimerais poursuivre.


On peut entendre les habituelles harmonies vocales sur cet album mais pour une fois, vous avez carrément construit une magnifique section a cappella sur le premier titre, "with honor", où vous chantez en canon. Comment avez-vous bâti cela ?

C'est une excellente question ! C'est marrant parce que je te raconte des trucs sur nos morceaux que je n'ai jamais encore raconté à qui que ce soit. En fait, il y a une histoire derrière chaque morceau. Et à propos de "with honor", il y a une relation avec Chris Ingles. Deux ans après ne plus avoir eu de ses nouvelles, (nous ne savions même plus où il habitait, nous n'avons même pas réussi à le contacter pour le prévenir de l'enterrement de Mike), soudainement, j'ai reçu un e-mail de lui. Il est passé par des moments difficiles, dont je ne parlerai pas mais bon, je voulais qu'il sache qu'il y aurait toujours une place pour lui s'il voulait collaborer de nouveau avec nous, en tant que compositeur par exemple. Je lui ai demandé s'il avait des idées à nous proposer et il m'en a envoyé mais c'était des choses très personnelles, probablement trop personnelles pour être incorporées. Et un jour, il m'a envoyé un e-mail d'une bibliothèque en me disant que son ordinateur ne marchait plus et il me dit qu'il a 4 notes qui lui trottent dans la tête et il mes les tape. Et c'était tout. Alors, j'ai trouvé que ce serait amusant si je bâtissais quelque chose autour de ces 4 notes. J'ai joué sur mon clavier et je lui ai envoyé le résultat, même si je n'avais aucune idée du tempo auquel il pensait. Et puis ensuite j'ai joué de la batterie, très typé Shadow Gallery, puis ajouté une partie de guitare et enfin une partie de basses... Je voulais faire ça en un petit quart d'heure mais cela m'a pris probablement plutôt deux heures et demi. Et je lui ai enfin envoyé le résultat sous forme de fichier mp3, en lui disant "quatre notes comme ça ?", en pensant que cela le ferait marrer. Et en fait, cela l'a bien fait rire. Et j'en ai fait une copie pour Carl et Brendt. Ils ont dit que ce serait super pour ouvrir un album de Shadow Gallery et je leur ai répondu "Non, non, c'est juste une blague !". Je trouvais que cela ressemblait à un autoplagiat ! Mais ils ont insisté et j'ai bâti le morceau autour de cela, et en fait, je crois bien qu'une bonne partie de l'enregistrement original est demeuré sur le morceau fini ! En fait, personne n'arrivait à mettre une mélodie vocale dessus alors je l'ai mis de côté, je pensais demander à DC Cooper. Et j'ai composé ce final plus doux, avec le piano et l'arrangement symphonique. Bien plus tard je suis revenu sur le morceau pour lequel nous avions enfin écrit les mélodies et les paroles et j'avais une transition à faire, qui devait peut-être durer 5 secondes dans mon esprit, entre deux sections. Et je me suis dit que ce serait cool de chanter le titre du morceau avec des harmonies vocales en couches mais j'ai fini par rajouter un peu de ceci, un peu de cela… Mais je détestais mes démos et je n'arrêtais pas de recommencer. J'ai fini par arranger ça avec un son d'orgue et une étrange progression d'accord et là, lorsque nous avons été satisfait du résultat, nous avons décidé de retirer l'orgue et de ne garder que les vocaux. Voilà comment cette section a vu le jour ! C'est ironique, non ?


Je suppose donc que l'ensemble de l'album a été écrit par toi, Brendt et Carl, simplement.

Oh, on peut diviser ça en trois catégories. Certaines parties ont été écrites entièrement par Brendt, d'autres entièrement par moi et enfin, certaines par nous deux ensemble. Je parle de la musique elle-même, bien sûr. Carl a écrit la grande majorité des textes et des mélodies qui vont avec.


Joe Nevolo joue seulement deux titres, d'après ce que j'ai lu et tu es désormais aussi le batteur de Shadow Gallery, alors ?!
Je suppose que Joe n'avait pas assez de disponibilité au moment où vous aviez planifié les nouvelles sessions de batterie, c'est ça ?

Hmmm… Disons que la réponse est assez compliquée. En fait, nous savions qu'il ne pourrait pas jouer sur tout l'album. Et il pensait même ne pas jouer sur cet album. Je crois qu'il attendait quelque chose qui soit plus dans la lignée de "Room V", un album qu'il aime beaucoup. Et puis c'est difficile de juger des morceaux qui ne sont pas finis, et il doit faire ça, puisqu'on enregistre la batterie assez tôt. J'avais l'idée de faire jouer Joe sur 3 ou 4 morceaux et de prendre notre ancien batteur, Kevin Soffera, pour le reste, puisqu'il vit toujours dans la région. Pour le dernier morceau composé, "pain", j'étais déjà très content du son que j'avais obtenu avec mes propres parties de batterie. OK, ce n'était pas une raison suffisante pour garder mes pistes mais j'étais tellement satisfait du son que j'avais obtenu pour une fois ! Et puis Kevin est devenu un homme terriblement occupé, tu sais. Il est musicien de session et il travaille énormément. On a dû annuler deux fois les sessions que nous avions prévues pour diverses raisons et la troisième date prévue, est devenue le jour de l'enterrement de Mike… D'un commun accord, nous avons décidé de laisser tomber. Carl m'a alors dit "tu n'as qu'à jouer le reste". Et Brendt a approuvé. Je leur ai opposé un "non" catégorique car je ne joue plus tellement de batterie ces derniers temps, mais ils m'ont convaincu… Ils ont eu plus confiance que moi en mes propres compétences. Brendt a co-produit ces sessions et il m'a permis de donner le meilleur de moi-même.


Peux-tu nous donner un résumé des sujets abordés sur les sept morceaux de cet album ? J'ai toujours du mal à saisir le sens des textes juste en écoutant, surtout avec le type de vocaux utilisés. J'ai cru comprendre que le thème de la perte revenait souvent. Et je crois que la chanson "digital ghost" parle de Mike, non ?

Ah, c'est dommage qu'on ne fournisse pas les paroles aux journalistes. Bon, écoute, déjà ce n'est pas un album-concept - comme tu as pu le lire. Il y a différents sujets. "With honor" est écrit à propos d'un homme appelé Eric, un bon ami qui a été mon technicien pour les guitares lorsque j'étais dans d'autres groupes avant Shadow Gallery. Il est parti pour l'Irak avec le grade de sergent. C'est un morceau à propos de son expérience, une sorte de film au ralenti de ce qu'il a enduré lors des combats, les retraites sous la mitraille, tout ce chaos. "Pain" traite des promesses rompues, du divorce, la tragédie d'un amour qui n'est pas partagé. "Gold dust" est un peu la suite de "pain", la perte d'une femme. Comme je l'ai dit "strong" parle du meilleur ami de Carl qui est décédé en 2007, de leur expérience d'escalade un jour de tempête de neige, avec en fond leur amour pour des groupes comme Rainbow, Helloween et Gamma Ray !
"Digital ghost" est entièrement dédié à Mike. Cela parle de tout ce qu'il nous a apporté, de sa présence que nous sentons toujours, du fait qu'il nous a quitté récemment bien sûr mais aussi parce que tout ce qu'il nous a légué est toujours là, du fait que pour nous, il n'est pas vraiment parti. "Haunted" est un peu plus compliqué à expliquer. Tu te rappelles du personnage sur le premier album de Shadow Gallery, peint par Shawn Lux ? Ce personnage avec des ailes d'ange, perdu dans la galerie des ombres… bloqué dans ce monde de l'après-vie. "Haunted" donne des détails sur sa vie. Cela parle de toutes les grandes choses qu'il a accomplies durant sa vie, à la tête de sa famille, etc. Il n'est pas envoyé en Enfer car il n'était pas une mauvaise personne mais on ne lui ouvre pas non plus l'accès du Paradis, il est bloqué entre les deux. Il peut observer ce qui se passe en haut et en bas. Il est presque un gardien qui peut montrer aux gens le chemin. Il n'est pas un ange non plus. Dieu lui a donné une paire d'ailes et une épée et il peut choisir entre deux voies à suivre, il peut réfléchir à sa fierté. Son plus grand pêché a été de désirer l'amour d'une femme plus que l'amour de Dieu.


Y a-t-il d'autres projets sur lesquels tu as travaillés ou sur lesquels tu vas travailler ?

J'ai travaillé sur plusieurs choses, des petits projets locaux mais rien de très grand tant que je serais en train d'enregistrer le disque de SG.
Il y a le disque de Doug Rausch, un gars qui adore Queen, qui est principalement un pianiste. Il ne sonne pas comme Queen, mais il y a des éléments de Queen, c'est très progressif mais avec un côté pop aussi. J'ai fait toutes les guitares et la basse et produit la batterie pour ça. Il a fini son album le même jour que j'ai mis la dernière touche à "Digital ghosts".


Et cet album solo symphonique que tu voulais appeler "One hour forever" ? Tu vas le finir un jour, crois-tu ?

(rires). Ah, celui-là ? Tu sais, je crois que la première chose à faire est de repartir de zéro, car mes démos ne sonnent plus très fraîches. J'investis la plupart des mes bénéfices dans la musique et si je m'achète de nouveaux claviers, de nouveaux échantillons, je pourrais bien repartir sur ce projet, oui. Mais là, tous ces morceaux sont désormais un peu vieux, ils ne sonnent plus assez modernes (je les ai et je ne suis guère d'accord avec Gary ! – NDR)

Je trouve que ces morceaux étaient pour la plupart très bons et tu pourrais simplement les réarranger…

On verra. Sinon, je travaille de nouveau sur un projet avec Mark Zonder, après celui qui n'a pas abouti, il y a quelques années.
Il est aussi possible que l'on refasse un deuxième album d'Amaran's Plight, mais ce n'est pas du tout sûr.


Bon, on espère avoir de tes nouvelles bientôt en tout cas. Et finalement, je n'ose presque plus aborder le problème des concerts…

Figure toi que l'on en reparle et finalement, cela nous paraît moins impossible qu'il y a un certain temps. Je te tiendrai au courant, tu peux en être sûr !

A lire, également réalisée par Marc et parue dans le même numéro de Koid9, la chronique de Digital ghosts

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